
Biais cognitifs méconnus #1 : Le biais de la disponibilité
Le biais de la disponibilité est l'un des biais cognitifs les plus subtils mais aussi les plus puissants dans la façon dont il influence notre perception du monde. Il se manifeste lorsque nous évaluons la probabilité d'un événement ou l'importance d'une information en fonction de la facilité avec laquelle des exemples nous viennent à l’esprit. En d'autres termes, plus un événement est facile à se rappeler, plus nous pensons qu'il est fréquent ou probable, même si cela ne reflète pas la réalité.
Le mécanisme du biais de la disponibilité :
Le biais de la disponibilité repose sur un raccourci mental, ou heuristique, que notre cerveau utilise pour traiter rapidement des informations complexes. Lorsque nous devons juger de la probabilité ou de la fréquence d’un événement, notre cerveau se fie souvent aux exemples les plus accessibles, c’est-à-dire ceux qui nous viennent en tête rapidement. Cela peut inclure des événements récents, frappants ou fortement médiatisés.
Le problème est que la disponibilité de ces exemples dans notre mémoire ne reflète pas nécessairement leur fréquence réelle dans le monde. Par conséquent, nous pouvons exagérer l'importance ou la probabilité d'événements simplement parce qu'ils sont plus faciles à se remémorer, et pas parce qu'ils sont plus courants.
Exemples concrets du biais de la disponibilité :
1. Le risque perçu des accidents d'avion :
Beaucoup de gens pensent que l’avion est un moyen de transport dangereux, car les accidents d'avion sont largement couverts par les médias et restent gravés dans notre mémoire. Cependant, les statistiques montrent que l’avion est l’un des moyens de transport les plus sûrs, bien plus que la voiture. Le biais de la disponibilité nous fait surestimer la probabilité d’un crash aérien parce que ces incidents sont plus médiatisés et marquants que les accidents de voiture, qui sont pourtant bien plus fréquents.
2. La peur des attaques terroristes :
Les attaques terroristes sont des événements choquants qui reçoivent une énorme couverture médiatique. En conséquence, beaucoup de gens surestiment la probabilité d'être victime d'une attaque terroriste. Pourtant, les statistiques montrent que les chances de mourir dans un attentat terroriste sont extrêmement faibles comparées à d'autres risques quotidiens (comme un accident de la route). Le biais de la disponibilité amplifie cette peur, car les images des attentats sont omniprésentes et faciles à rappeler.
3. Les jeux de loterie et l'illusion des gains :
Dans les jeux de loterie, les histoires de gagnants sont souvent mises en avant, que ce soit à la télévision ou dans la presse, ce qui donne l'impression que gagner est une possibilité plus réaliste qu'elle ne l'est en réalité. Le biais de la disponibilité pousse les gens à acheter plus de tickets de loterie parce que les exemples de gagnants sont plus accessibles dans leur esprit, bien que les chances de gagner restent extrêmement faibles.
Les conséquences du biais de la disponibilité :
Ce biais peut avoir des conséquences importantes dans de nombreux domaines de notre vie, en influençant notre prise de décision de manière biaisée et parfois irrationnelle.
- En politique : Les politiques publiques peuvent être influencées par la perception erronée de certains risques. Par exemple, une attention disproportionnée peut être accordée à des menaces visibles comme le terrorisme, tandis que d'autres dangers moins médiatisés, mais plus fréquents (comme les accidents de santé liés au tabac ou à l'alcool), sont sous-estimés.
- En finance : Les investisseurs peuvent être influencés par des événements récents ou fortement médiatisés, comme une chute spectaculaire du marché boursier. Cela peut les amener à prendre des décisions impulsives basées sur des informations facilement accessibles, plutôt que sur une analyse rationnelle et à long terme.
- Dans la gestion des risques personnels : Nous avons tendance à surestimer les risques qui sont fréquemment discutés dans les médias, comme les catastrophes naturelles ou les attaques de requins, alors que des risques bien plus probables, comme les maladies cardiaques, sont souvent sous-estimés parce qu'ils sont moins présents dans nos conversations quotidiennes.
Comment se protéger du biais de la disponibilité :
- Prendre du recul : Avant de prendre une décision basée sur une impression ou une information facilement accessible, prenez un moment pour vérifier si elle est réellement représentative ou si elle n'est que le reflet d'un événement marquant ou récent.
- Rechercher des données objectives : Il est essentiel de compléter les informations que nous avons en tête par des données fiables et statistiques. Par exemple, si vous avez peur de prendre l’avion, consultez les statistiques de sécurité aérienne pour obtenir une perspective plus équilibrée.
- Éviter de se fier uniquement aux médias : Les médias ont tendance à sur-représenter certains types d’événements choquants ou sensationnels. Pour une vision plus équilibrée, il est utile de diversifier ses sources d’information et de s’informer sur les probabilités réelles des événements.
- Pratiquer la réflexion critique : Essayez de distinguer les informations qui vous sont facilement accessibles de celles qui sont pertinentes et basées sur des faits. La réflexion critique permet d'éviter de se laisser influencer par des anecdotes frappantes mais non représentatives.
Conclusion :
Le biais de la disponibilité est un exemple frappant de la manière dont notre cerveau utilise des raccourcis pour simplifier des décisions complexes, mais au prix d'une distorsion de la réalité. Comprendre ce biais et reconnaître son influence sur notre perception des risques et des probabilités peut nous aider à prendre des décisions plus éclairées et rationnelles, tant dans notre vie quotidienne que dans nos choix politiques et financiers. Dans un monde où l'information est omniprésente, savoir faire la distinction entre ce qui est mémorable et ce qui est statistiquement représentatif est une compétence cruciale.
Références :
- Tversky, A., & Kahneman, D. (1973). Availability: A heuristic for judging frequency and probability. Cognitive Psychology, 5(2), 207-232.
- Lichtenstein, S., Slovic, P., Fischhoff, B., Layman, M., & Combs, B. (1978). Judged frequency of lethal events. Journal of Experimental Psychology: Human Learning and Memory, 4(6), 551-578.
- Gigerenzer, G. (2002). Calculated risks: How to know when numbers deceive you. Simon & Schuster.